Après la découverte du dolmen de Losa Mora et du village abandonné d’Otín, cette randonnée en plein cœur du Parc Naturel de la Sierra de Guara, offre des vues spectaculaires sur une partie du canyon du Mascún et ses fantastiques fantaisies géologiques. Ici l’eau, le vent, les éléments ont façonné un monde de formes étranges et fascinantes. Aiguilles, failles, arches naturelles… sont au menu de cette somptueuse randonnée.
Après le Camino de las Escaleretas hier, nous sommes aujourd’hui dans le sud de la Sierra de Guara à Rodellar (750m). J’ai déjà fait plusieurs fois cette boucle magnifique, mais je ne m’en lasse pas. Par contre, c’est une première fois pour Tatiana.
Dans le pittoresque village de Rodellar, nous trouvons les panneaux du sentier S-3 qui indique « Losa Mora et Otín ». Après les dernières maisons, le chemin passe sur des dalles calcaires, longe une murette et débouche sur un belvédère.
Souvenirs de Rodellar par Gérard Caubet
« Le tournant des années 80 marque réellement l’invention du canyonisme. Il est le fait de quelques accompagnateurs en montagne en recherche de destinations nouvelles. »
« La sierra ne se donnait pas au premier venu, elle se méritait. Une journée d’estafette poussive était nécessaire pour rallier Rodellar au départ de Pau. Les routes incertaines et parsemées de nids-de-poule ignoraient la ligne droite. Une piste défoncée impraticable l’hiver défendait l’accès à Rodellar. L’auberge Florentino était l’incontournable point de ralliement. Si ses murs pouvaient parler, ils raconteraient les soirées copieusement arrosées où le monde se refaisait à grands coups de « porrons » et de lampées d’anisette. Les mules logeaient dans une écurie attenante derrière le bar. Il n’était pas rare qu’il faille se pousser pour les laisser passer. Pour le reste, il ne fallait pas rechigner à dormir sur la paille ou à la belle étoile. »
Source: Gérard Caubet » Étonnantes Pyrénées«
Le sentier surplombe le canyon du Mascún et va maintenant descendre en lacets vers le río. La vue est déjà superbe.
Nous franchissons un gué pour passer rive droite du Mascún. Le sentier longe le lit du río, puis passe au pied de falaises célèbres pour l’escalade, où déjà de nombreux grimpeurs se préparent.
Au niveau du passage à gué suivant, nous remarquons une résurgence qui sort au pied d’une falaise avec un débit assez important : c’est la Fuente de Mascún. Le sentier arrive rapidement à la jonction avec le Barranco d’Andrebot (720m).
En se retournant, on découvre une belle arche appelée « El Dolfin ». C’est vrai que sa forme rappelle celle d’un dauphin !
Nous remontons le Barranco d’Andrebot sur toute sa longueur. À son sommet, au moment où le terrain s’aplanit, nous laissons continuer en face le sentier vers le Collado de San Cristóbal (969 m), pour prendre à droite celui qui remonte le Barranco de las Gargantas. Dans ce vallon très encaissé, le sentier passe sous les falaises de l’imposant Tozal de las Gleras qui culmine à 1151 m. Nous arrivons finalement sur un plateau. Le très beau Dolmen de Losa Mora (1100 m), qui se trouve à droite de la piste, est un endroit propice à la pause.
En continuant de suivre cette piste qui traverse un grand plateau, nous arrivons à Otín (1075m). Nous passons avec émotion devant l’ancienne école du village qui avait été transformée en gîtes par Manolo le dernier habitant du village. Décédé en 2016, Manolo a tenu ce bar gîtes jusqu’en 1998.
C’est empreint de nostalgie que nous faisons un tour du village. En effet, j’ai commencé à fréquenter ces lieux dans les années 90 et des souvenirs refont surface dans ma mémoire…
Après un détour à la petite chapelle, d’où part le sentier des « Faja du Mascún », nous montons vers le quartier haut d’Otín et son église.
Nous prenons le sentier en direction de Rodellar. Un peu à l’écart du village, nous passons devant une immense maison, totalement dévastée par le temps. Quel dommage !
Le sentier traverse un magnifique bois de chênes puis se rapproche progressivement du bord du canyon.
À partir d’ici, le paysage est tout simplement extraordinaire ! Nous sommes sur le chemin de la Costera, l’ancien sentier muletier qui reliait Rodellar à Otín. Tout au long de la descente, il offre des vues imprenables sur le canyon.
Nous passons au niveau des deux plus célèbres monuments du secteur ; la longue aiguille de la « Cuca de Bellosta » et sa voisine, la grandiose « Ciudadela », avant de rejoindre le lit du Mascún à 735 mètres d’altitude. D’après la légende, la « Cuca de Bellosta » serait nommée ainsi pour rendre hommage à la virilité d’un gaillard d’Otín…
Nous revenons sur nos pas et nous observons des grimpeurs dans l’arche del Dolfin.
Pour le retour, après la Fuente del Mascún, nous remontons sur la rive droite, pour traverser le Río plus loin et remonter directement sur Rodellar.
La Sierra oubliée
Du début des années 1950 à la fin des années 1970, la sierra de Guara, dans le nord de l’Espagne, fut une sierra oubliée. Aussi oubliée que l’est aujourd’hui le passé de cette terre d’Aragon. Son mode de vie, à l’époque, était archaïque : on y taillait le silex pour fabriquer des outils.
Une étrangeté réciproque a réuni l’auteur, alors jeune explorateur de canyons, et les habitants de la sierra. Ce livre retrace leur émerveillement mutuel. Dans ces pages, qui disent la découverte de l’autre, l’exode rural, les efforts de l’auteur pour enrayer la désertification, fourmillent de truculents portraits, des témoignages d’une vérité brute, de justes fragments d’une réalité alors méconnue, aujourd’hui dans les friches de la mémoire.
Pierre Minvielle réhabilite un monde. Tour à tour cocasse ou grave, le ton de son écriture ne cesse d’exprimer la tendresse d’un homme pour d’autres hommes et pour ce « paysage dévastateur de l’âme ».
Informations pratiques
Situation: Espagne / Aragon / Sierra de Guara
Accès au départ: À Barbastro prendre la N-240 direction Huesca. Après avoir passé Peraltilla, continuer 9 km et à droite prendre le croisement vers la Sierra de Guara. Suivre la A-1229 jusqu’à Abiego. Après le village, prendre à gauche le croisement vers Bierge . Dans ce village, prendre à droite la A-1230 vers Rodellar.
Date: 14 avril 2019
Altitude de départ: 750 mètres
Altitude maximale: 1075 m à Otín
Dénivelé: Environ 750 mètres
Itinéraire: Boucle d’environ 17 kilomètres. Prévoir suffisamment d’eau.
Horaire: 6 à 7 H
Carte: Sierra y cañones de Guara
Trace GPS: Télécharger
Lors de mes ballades dans la sierra de Guara, je n’avais pas manqué d’observer des ruines de village comme celui d’Otin, mais sans en connaître la terrible histoire. Pierre Minvielle nous a laissé un témoignage émouvant de la vie de ces hommes, vivant sur un territoire pittoresque pour nous les randonneurs, mais ô combien hostile pour ces habitants. Maintenant je sais, et je comprends les difficultés de la population à rester vivre dans ce pays hostile, face au rouleau compresseur du confort et de la modernité.
« Se han marchado. » Formule funeste qui signifiait l’abandon de la maison, des traditions, des racines…
Si vous faites des photos lors de cette magnifique rando, je pense qu’il serait judicieux de marcher dans le sens horaire, ainsi éclairage de milieu d’après midi, mettra davantage le canyon en valeur.