Fantastique entaille à la limite de la France et de l’Espagne, de l’histoire et de la légende, de la géologie et de la géographie, des climats océanique et méditerranéen, la Brèche de Roland est un haut lieu des Pyrénées (Georges Veron).
Cette randonnée à la Brèche de Roland et au Taillon est une des plus célèbres et des plus spectaculaires des Pyrénées.
Nous venons d’effectuer avec Arnaud un très beau raid de 6 jours de Lescun à Gavarnie passant principalement par le GR 11. Pour clore cette magnifique semaine, nous avons décidé de monter au Taillon avec Tatiana qui vient de nous rejoindre à Gavarnie. Nous avons passé la nuit au gite Oxygène à Gavarnie et nous sommes donc en ce matin de septembre au départ au col des Tentes.
Le départ s’effectue sur l’ancienne route jusqu’au Port de Boucharo (2271 m) d’où nous avons une belle vue sur l’Espagne avec notamment dans le lointain le pic de la Tendeñera (2853 m).
Le Port de Boucharo
Le Port de Boucharo ou Port de Gavarnie (en espagnol puerto de Bujaruelo) marque la frontière entre l’Espagne et la France. Il est le point de passage le plus bas, depuis Gavarnie, vers le versant sud des Pyrénées. Il est situé au bout de la vallée des Pouey Aspé. Il donne accès à la vallée de Bujaruelo, et au village de San Nicolás de Bujaruelo dans la vallée de Torla.
De part et d’autre du Port de Boucharo (à San Nicolás de Bujaruelo et à l’actuelle église de Gavarnie) un hospice était tenu par des religieux. Ce col avait une fonction essentiellement pastorale et commerciale. Des troupeaux y passaient tous les étés pour venir pacager jusqu’au-dessus de Gèdre où des estives étaient réservées aux aragonais selon des règles d’usage bien précises. Colporteurs et marchands y passaient du printemps aux premières neiges d’hiver. À l’automne, une foire aux cochons se tenait à Gèdre où les échanges se faisaient, y compris avec les aragonais de Torla. Selon Jean-François Le Nail, pas moins de 30 tonnes de beurre passaient chaque année de Gavarnie à Torla par le Port de Boucharo.
Dans les années 1960, le Conseil général des Hautes-Pyrénées a investi dans la construction de la route de Gavarnie à Boucharo. Cette route atteindra le col des Tentes à l’été 1967 et Boucharo à l’été 1968. L’objectif était que les Espagnols construisent une route de Torla à Boucharo. En 1970, suite à la fermeture de la ligne de chemin de fer Oloron – Canfranc, les Espagnols mettent comme condition à la route de Boucharo, la réouverture de la ligne de chemin de fer. Ni l’un ni l’autre ne se sont réalisés. Entre le col des Tentes et le Port de Boucharo la route sera déclassée en 2011 et transformée en chemin en 2013.
Source: Louis Dollo
Nous poursuivons sur le large chemin du Parc National qui longe la base du Gabiétou (3034 m), puis du Taillon (3144 m). Le passage sous la face Nord de ces deux sommets impressionnants est magnifique. La progression est facile sur ce sentier quasi horizontal jusqu’au ruisseau dont les eaux viennent du Taillon. Le passage peut être glissant ; il faut bien suivre le balisage.
La pente se redresse davantage. Quelques lacets nous déposent en 1 h30 au col des Sarradets (2589 m). D’ici, la vue sur le Taillon et le Doigt de la Fausse Brèche est magnifique.
Devant nous, le cirque de Gavarnie se dévoile. Le tableau est idyllique avec le Marboré (3248 m) et ses plissements calcaires stupéfiants, la crête sommitale du cirque et ses sommets à plus de 3000 mètres, la Grande Cascade, (avec ses 423 mètres elle est la plus haute d’Europe) et le refuge des Sarradets posé sur son éperon rocheux.
À deux pas, nous arrivons au refuge de la Brèche de Roland (2587 m), posé comme en équilibre, sur un mamelon rocheux.
Le refuge des Sarradets (2587 m)
L’idée de construction d’un refuge date de 1942 à l’initiative de Robert Ollivier. Les plans sont dessinés par l’architecte tarbais J. Martin. Les travaux sont réalisés au cours des étés 1955 et 1956. L’inauguration eut lieu le 21 octobre 1956 en présence du président du Club Alpin Français, Maurice Herzog, le vainqueur de l’Annapurna.
La capacité d’origine était de 60 places. En 1970, elle est portée à 90 places. Le premier gardien est José Pérez. Il le restera jusqu’en septembre 1969. Un projet complet de rénovation a débuté en 2016.
Le lieu est tout simplement grandiose, dominé par cette haute falaise coupée brutalement par une entaille géante : la brèche de Roland.
Nous remontons tranquillement le long de la moraine. Plus tôt dans la saison, la progression jusqu’à la Brèche de Roland peut présenter quelques difficultés avec la présence plus abondante de neige, et suivant sa dureté, crampons et piolet peuvent être utiles. Aujourd’hui, il reste seulement un névé dans la partie sommitale.
La Brèche de Roland est un des lieux les plus spectaculaires des Pyrénées
En 2 h 30 depuis le départ, nous sommes à la brèche de Roland, baignée par la lumière des montagnes aragonaises.
La Brèche de Roland, impressionnante faille de 40 mètres de large et de 100 mètres de haut, s’ouvre à 2807 mètres d’altitude et marque la frontière entre le Parc National des Pyrénées et le Parc National d’Ordesa – Mont-Perdu.
Selon la légende, la Brèche de Roland fut ouverte par Roland, le neveu de Charlemagne, alors qu’il tentait de détruire son épée Durandal en la frappant contre la roche à l’issue de la bataille de Roncevaux. Voyant qu’elle ne cassait pas, il l’aurait envoyée de toutes ses forces dans la vallée et elle se serait fichée dans une falaise à Rocamadour dans le Lot.
Nous voici en Espagne. Dans le fond, nous apercevons la vallée d’Arazas, qui fait penser au grand Canyon du Colorado.
Nous trouvons immédiatement sur la droite, le départ d’un bon sentier filant vers l’ouest, qui longe les murailles Sud du pic Bazillac. Nous passons ensuite devant l’abri Gaurier.
L’abri Gaurier
Le 14 et 15 Mai 1906, lors d’une tentative d’ascension du Mont Perdu à skis, l’abbé Gaurier passe avec ses compagnons une nuit glaciale à la Brèche de Roland.
Pour éviter que cette mauvaise expérience ne se reproduise, 15 jours plus tard il se met à chercher un abri naturel sur le versant Sud de la Brèche. Il découvre une grotte naturelle, pouvant accueillir 5 à 6 personnes, qui deviendra « l’abri Gaurier ».
Dès lors, cet abri servira de refuge pour les courses dans le massif. La section du CAF du Sud-Ouest finance des travaux d’aménagement (agrandissement et construction d’un mur) en septembre 1911.
Le sentier contourne ensuite le doigt de la Fausse Brèche, longe la crête, puis serpente sur les pentes terminales du pic du Taillon.
Après 1 h de marche depuis la Brèche, nous voici au sommet du Taillon (3144 m).
Le panorama est fantastique : devant nous, le cirque de Gavarnie avec le Marboré, le Cylindre, le Mont-Perdu… le majestueux Vignemale et son glacier d’Ossoue… plus loin le pic Long, le Néouvielle, le Campbieil, le Gerbats, la Munia… et encore plus loin, les montagnes Aragonaises du Cotiella et la Peña Montañesa.
Le Taillon
La première ascension du Taillon est attribuée au cartographe militaire espagnol Heredia, en 1792. Russell y montera à son tour, avec son guide Hyppolyte Passet, en 1868. Il le gravira quatre fois encore. La première, par la face nord, a été faite par Henri Brulle, le père du «pyrénéisme de difficulté ».
Le Taillon passe pour un des 3000 les plus faciles des Pyrénées. Déjà, dans Souvenirs d’un montagnard, Russell écrivait : « Les Pyrénées possèdent trois pics de premier ordre, dont l’ascension est si facile que je ne serai pas surpris de voir un jour se profiler sur leur sommet la silhouette d’un mulet ! Les paresseux et les vieillards devraient bénir ces superbes montagnes, d’un accès si facile, et d’où la vue est merveilleuse… Le Taillon, avec sa coupole neigeuse, aussi blanche qu’en hiver, est irrésistible. Quelle fierté dans sa pose ! Quelle grâce et quelle noblesse dans ses contours ! C’est un charmeur que le Taillon. Il me fascine plus que jamais ».
Nous entamons la redescente par le même chemin. Quelle vue merveilleuse !
Les premiers mètres de descente de la brèche, ravinés, ainsi que le passage du névé demandent de l’attention.
Avec la fatigue, attention encore au passage de la cascade à la descente ! Une heure plus tard, et nous sommes de nouveau au parking.
Informations pratiques
Situation: Hautes-Pyrénées – Gavarnie
Accès: De Gavarnie remonter la route du col de Boucharo (D923) jusqu’au col des Tentes (2208 m).
Altitude minimale: 2208 mètres
Altitude maximale: 3144 mètres
Dénivelé cumulé: Environ 1000 mètres
Itinéraire: Randonnée en aller-retour d’environ 15 kilomètres
Horaire: 6 H
Cartographie: Carte de randonnée 1748 OT Luz-Saint-Sauveur – Parc National des Pyrénées
Trace GPS: Télécharger
Merci pour votre article très intéressant et les belles photos qui l’accompagnent : elles rendent vraiment honneur à la beauté du site ! Il est très instructif, avec de nombreuses anecdotes historiques !
J’ai eu le plaisir de faire l’ascension du Pic du Taillon en octobre 2023, c’était vraiment une très belle randonnée. Pour info : Le refuge des Sarradets a été agrandi, son architecture a un peu évolué…
Je me permets de vous partager le lien vers mon récit (échange de bons procédés 😉 ) :
https://www.mescarnetsdumonde.com/randonnee-au-pic-du-taillon-par-la-breche-de-roland-dans-les-pyrenees-une-aventure-bien-taillee-a-3000-m-daltitude/
A bientôt sur les sentiers des Pyrénées,
Pierre-Jean