Quel bonheur d’approcher en hiver la face nord du Vignemale ! La paroi, verticale sur 800 mètres, est striée de plusieurs couloirs, dont le célèbre couloir de Gaube. Le spectacle est impressionnant. Les séracs du glacier des Oulettes ajoutent une touche alpine à cette carte postale. Une longue randonnée qui se mérite, mais le spectacle est à la hauteur.
Nous sommes déjà mi-mars, mais le week-end dernier, pour le jour du printemps, une belle chute de neige est venu recouvrir les Pyrénées. C’est l’occasion rêvée pour profiter de ce petit retour de l’hiver. Nous décidons donc de partir pour trois jours à Cauterets pour en profiter. Il y a de nombreuses années que je n’étais pas monté au refuge des Oulettes en hiver. C’est avec un froid glacial que nous nous préparons au parking du Pont d’Espagne.
Du parking, nous passons sous le porche du bâtiment d’accueil, pour poursuivre sur la route sur environ 400 mètres. Peu après la bifurcation avec le site du Pont d’Espagne, nous montons à gauche sur le sentier qui monte à travers une sapinière (GR 10). Dès le départ, nous devons chausser les crampons ! En effet, la neige récente a été tassée par les nombreux passages des jours précédents et le regel de la nuit a transformé le sentier en patinoire. Le sentier monte d’abord en lacets redressés avant de s’adoucir vers 1600 mètres. Nous avons le plaisir de croiser des isards, nullement effrayés par notre présence.
À 1725 mètres d’altitude, nous arrivons au superbe lac de Gaube, un incontournable des Pyrénées. Tout au fond, fascinant, se profile une partie de la face Nord du Vignemale, le plus haut massif des Pyrénées Françaises.
Le lac de Gaube est tristement célèbre dans l’histoire des Pyrénées à cause de la noyade accidentelle des époux Pattison le 20 septembre 1832. Ce jeune couple d’Anglais, qui venaient de se marier le 22 août, emprunta une barque qui malheureusement chavira. Cette tragique noyade fit couler beaucoup d’encre de la part des écrivains, des journalistes et des poètes français et anglais.
En hommage, un petit monument est érigé au bord du lac. Ce mémorial, entouré d’une grille, attirait les visiteurs ; il fallait payer trois sous pour y entrer !
Victor Hugo visita le monument en 1843 et écrivit : « Eau glaciale – Qui y tombe y meurt. Depuis quatre-vingt-dix ans que le vieux pêcheur était là, il n’avait vu personne assez hardi pour s’y baigner. Il en coûte trois sous par personne pour entrer dans l’enclos du tombeau. J’y ai cueilli deux cinéraires dans le granit en surplomb sur le lac. J’ai glissé et failli tomber dans l’eau. Cela eut fait une deuxième tombe. On eût pris six sous… »
Ce monument fut détruit par les Allemands le jour du débarquement allié en Normandie, le 6 juin 1944.
Le lac de Gaube a été étudié par Ludovic Gaurier: « Son lit est entièrement granitique et sur les bords croulent les avalanches entrainant roches, troncs d’arbres et débris végétaux. Quand ces avalanches tombent au printemps sur une surface encore gelée, elles forment un cône de déjection qui peut s’avancer à plus de 50 m de la rive, les rochers entrainés avec la neige tombent verticalement au fond lorsque le lac dégèle et il en résulte une moraine sous lacustre formant un cordon littoral, parallèle au rivage, isolant du reste du lac la cuvette créée ».
Nous empruntons le large chemin sur la droite pour franchir le déversoir du lac sur une passerelle. Nous longeons maintenant la rive Ouest du lac et nous sommes très attentifs aux éventuelles chutes de pierres pouvant être causés par le réchauffement sur ce versant très abrupt. Nous faisons une pause au fond du lac.
Le sentier continue tout droit sur la rive gauche du Gave avant de monter à flanc jusqu’à la passerelle qui franchit une petite gorge. Nous progressons maintenant sur la rive droite du torrent. Le sentier passe proche de la cabane du Pinet et s’élève dans la haute vallée de Gaube où le Vignemale se livre plus généreusement avec sa noble stature. En se retournant, nous avons une belle vue sur le lac de Gaube.
Nous arrivons au passage le plus délicat de la journée. La pente est redressée pour atteindre le sommet du ressaut de la cascade d’Esplumousse et suivant les conditions, elle peut être délicate sans équipement. Au-dessus, les difficultés s’amenuisent. Le profil est plus régulier et rectiligne sur le grand plateau des petites Oulettes. Le Vignemale grandit au fur et à mesure que l’on s’élève…
Un dernier effort, sur la dernière pente très raide, nous permet d’atteindre le refuge des Oulettes de Gaube, posé sur son piédestal à 2151 mètres d’altitude.
Le refuge des Oulettes de Gaube
Le refuge des Oulettes de Gaube est dominé par la grandiose face nord du Vignemale haute de plus de 800 mètres.
Avant-guerre, les rares grimpeurs qui venaient dans ce coin bivouaquaient dans une « toue » (Abri sous roche) nommée « Villa Meillon ».
Le CAF lance la construction du refuge des Oulettes de Gaube en 1962 et il est achevé en 1964. Le refuge est rénové en 2007.
L’apparition de la face Nord du Vignemale dans toute sa splendeur et dans toute sa sévérité est un instant magique. Au beau milieu de cet ensemble calcaire, le célèbre couloir de Gaube, fend la paroi.
Le couloir de Gaube
Le 07 août 1889, Henri Brulle, Jean Bazillac, Célestin Passet, Roger De Monts et François Bernat-Salles réalisent la première ascension du Couloir de Gaube. C’est à l’époque le plus grand exploit jamais réalisé dans les Pyrénées. A cette occasion, Célestin Passet taille dans la glace un escalier de 1300 marches. Le petit piolet de Brulle qui lui permet de sauver l’escalade, s’appellera par la suite: « fleur de Gaube ».
Le 06 juin 1927, Jean Arlaud et Charles Laffont tentent de réaliser la seconde ascension du couloir de Gaube, 38 ans après la première. Mais ils doivent faire demi-tour au bloc de glace à la sortie du couloir.
À cette époque, seul François Cazalet pense qu’il sera un jour possible de rééditer l’exploit de Célestin Passet et de ses compagnons. Malheureusement pour lui, il sera distancé pour la seconde ascension par Henri Barrio, Joseph Aussat et Joseph Loustaunau, le 13 juillet 1933. [Lire le récit de cette seconde ascension]
Deux jours après, le 15 juillet, il se console en effectuant la troisième ascension avec ses compagnons Henri Lamathe, Jean Senmartin et Robert Ollivier. [Lire le récit]
Le 08 juillet 1934, Robert Ollivier, G. et J.Santé réussissent la quatrième ascension du couloir de Gaube.
Après de longues minutes de contemplation, (et un bon pique-nique) nous redescendons tranquillement et prudemment par le même itinéraire.
Informations pratiques
Situation: Hautes-Pyrénées / Vallée de Cauterets / Vallée de Gaube
Accès au départ: De Cauterets, suivre la route du Pont d’Espagne jusqu’au parking terminal de Las Pountas (1460 m).
Possibilité de raccourcir la randonnée en empruntant le télésiège de Gaube en 20 minutes de montée puis 15 minutes à pied sur un chemin plat.
Date: Le 24 mars 2021
Altitude minimale: 1460 mètres
Altitude maximale: 2151 mètres
Dénivelé cumulé: Environ 700 mètres
Itinéraire: Aller-Retour. Randonnée de 18 km.
Horaire: 6 à 7 H
Carte: Carte IGN 1748 OT Gavarnie – Luz-Saint-Sauveur – Parc National des Pyrénées
Trace GPS: Télécharger
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